Les politiques d’extrême droite dans l’éducation n°4 : les Etats-Unis de Trump
Capitale : Washington 331 millions d’habitant·es Résultats élections présidentielles de 2024
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Aux États-Unis, Donald Trump en guerre contre l’éducation et la recherche
« Aux États-Unis, nous nous heurtons à une menace autoritaire qui dépasse tout ce que nous avons connu jusqu’ici. Le Président Donald Trump catapulte des diktats destructeurs, déshumanisants et antidémocratiques. ». Randi Weingarten, présidente de l’AFT. Cela résume très bien l’avalanche de mesures prises par l’administration Trump depuis le début de l’année 2025 qui a fait de la privatisation, du démantèlement du ministère de l’Éducation, des attaques à l’encontre des étudiant·es et des familles issu·es de l’immigration, de l’abolition des droits civils et des restrictions à la liberté académique le cheval de bataille de son agenda en matière éducative.
Répression contre les enfants immigré·es
Jusqu’à présent, une loi empêchait les agent·es de l’immigration d’inter-venir dans des écoles, des églises ou des hôpitaux. La nouvelle administration Trump vient d’abroger cette loi et permet ainsi de véritables rafles notamment dans les écoles, menées par l’Agence fédérale américaine de contrôle de l’immigration (Immigration and Customs Enforcement – ICE). À Houston (Texas) le 15/02/2025, 127 élèves sans-papiers ont été interpellé·es dans 3 écoles, provoquant 83 déportations immédiates (source : ICE.gov).
Priorité à l’enseignement privé
Donald Trump a également ordonné à plusieurs agences fédérales d’accorder la priorité aux écoles privées et confessionnelles et de réorienter les fonds afin de promouvoir des programmes basés sur les chèques scolaires (vouchers).
Ces chèques sont mis en place dans plusieurs États depuis de nombreuses années et c’est aujourd’hui le gouvernement fédéral qui en fait la promotion. L’argent dépensé par l’État pour l’édu-cation des élèves du public est directe-ment donné aux parent·es, libre à elles et eux d’en disposer par la suite et de choisir une autre école, y compris (et surtout) privée. Ces « vouchers » ont été un des fers de lance de la po-litique éducative de l’ultra-libéral Ronald Reagan dans les années 80 et visaient à marchandiser l’éduca-tion et mettre les établissements en concurrence.
William J. Bennet, Secrétaire à l’éduca-tion de l’époque déclarait déjà que ces chèques favorisaient « une saine rivalité entre les écoles publiques et privées, ainsi qu’entre les écoles publiques. »
« Au lieu de voler l’argent des contribuables pour financer les écoles privées, nous devrions nous concentrer sur les écoles publiques, qui accueillent 90 % des enfants […]. Si nous voulons vraiment agir dans le meilleur intérêt des élèves, réduisons la taille des classes afin de permettre un suivi plus individualisé et augmentons les salaires pour combler les pénuries d’enseignant·es et de personnel. Le fait est que les chèques scolaires se sont révélés un échec catastrophique partout où ils ont été mis en place », a déclaré Becky Pringle, présidente de la NEA. »
Attaques contre le ministère de l’éducation
Le 20 mars 2025, Donald Trump a signé un décret visant à « éliminer » définitivement le ministère de l’Éducation. Le démantèlement préparé de cette institution avait déjà entraîné, le 11 mars, la suppression de 2000 postes, mettant ainsi à la porte près de la moitié des effectifs du ministère. Ces licenciements font partie du pro-gramme de l’administration Trump qui vise à vider de sa substance ce département et, à terme, à le démanteler, privant ainsi de services essentiels 26 millions d’élèves en situation de pauvreté et éliminerait l’aide à l’enseignement spécialisé sur laquelle s’appuient 7,5 millions d’élèves atteint·es d’un handicap. De plus, 12 millions d’étudiant·es se verraient dé-pourvu·es de services d’orientation professionnelle et d’un enseignement technique, ce qui menacerait leurs perspectives d’emploi. Une réduction des prêts étudiants pourrait fermer la porte de l’enseignement supérieur à d’autres 10 millions d’Américain·es issus de la classe moyenne. À Detroit, 12 écoles ont dû fermer leurs services psychologiques faute de fonds fédéraux.
Maitriser le contenu éducatif et limiter les libertés académiques
Trump s’en est pris directement à la liberté académique et à l’autonomie des enseignant·es en signant un autre décret présidentiel visant à mettre fin au financement des écoles en fonction de la manière dont elles abordent des questions telles que le racisme systémique, l’esclavage et l’histoire.
Depuis janvier 2025, Donald Trump multiplie les executive orders, sortes « d’ordonnances » ou de « décrets », adoptés directement par le président, ainsi que les menaces de tout ordre : ordonnances imposant aux universités de renoncer aux politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) ; ordonnance visant à « défendre les femmes contre l’extrémisme des idéologues de genre » ; menaces à l’encontre de l’Université de Columbia de suspendre ou d’annuler le versement de fonds fédéraux si elle ne se conformait pas à certaines exigences, comme celle d’engager des poursuites disciplinaires contre les étudiant·es impliqués dans les manifestations propalestiniennes…
Attaques contre la Recherche
Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a aussi engagé des coupes drastiques dans les financements publics de la recherche. Dans le domaine de la santé par exemple le NIH, National Institutes of Health, a particulièrement été ciblé et c’est un véritable risque pour le suivi des infections au niveau mondial. Les coupes de 2,3 milliards $ au NIH ont entraîné l’arrêt de 47 essais cliniques sur le cancer (NIH Internal Memo 02/2025).
Trump s’est également empressé de supprimer le programme de la NASA destiné à la surveillance de la Terre (évaluation des taux de gaz à effet de serre, pollution touchant la santé des populations…), tout en rendant « illégaux » les efforts de diversité, d’équité et inclusion au sein de l’agence. Nicolas Flagey, scientifique français travaillant dans l’agence depuis plus de 10 ans explique que l’administration Trump pousse à la délation des collègues impliqués dans ces programmes et conclut ainsi : « vous voyez les relents d’Allemagne des années 30 que ça a, c’est exactement la même chose ».
Trump s’est aussi attaqué à plusieurs agences fédérales, dont l’USDA en charge de l’agriculture, en leur inter-disant de poursuivre des travaux sur certaines thématiques, notamment environnementales, de biodiversité ou de genre.
Les chercheur·ses américain·es travaillant dans le domaine du climat, de la santé publique ou de sujets en lien avec le genre et la diversité, licencié·es du jour au lendemain, sans ménagement, se comptent désormais par milliers.
Racisme et LGBTQIA+phobies
Les attaques de l’administration Trump contre l’éducation et sa peur de la moindre avancée progressiste - notamment en termes d’antiracisme et d’ouverture aux thématiques LGBTQIA + - date de plusieurs années.
Un rapport de l’ONG PEN America, publié en août 2023, démontrait par exemple que le Parti républicain a dé-posé 392 projets de loi répressifs entre 2020 et 2023. De la censure de livres à l’intimidation d’enseignant·es, le Parti républicain tente par tous les moyens de supprimer l’accès à des contenus pédagogiques ayant trait à l’histoire de l’esclavage ou de la communauté LGBTQIA +.
Ripostes syndicales
Face à ces attaques sans précédents contre le monde de l’éducation, la riposte s’organise, notamment par le biais des deux grandes centrales syndicales de l’éducation du pays, la NEA et l’AFT, toutes deux membres de l’Internationale de l’Éducation.
La campagne « Protect our kids », pilotée par l’AFT et lancée le 4 mars 2025 a par exemple été marquée par plus de 2000 évènements et actions sur les réseaux sociaux à travers tout le pays.
Ces deux centrales syndicales ont, ensemble, décliné le plan d’action suivant pour l’ensemble de leurs membres :
- Faire pression sur les décideur·ses
- Sensibiliser le public
- Rallier le soutien de toute la communauté éducative et des parent·es
- Susciter un écho médiatique
Devant la gravité de cette situation le syndicalisme mondial se doit d’être aux côtés de la résistance aux États-Unis.
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