Programmes et politiques de l’extrême-droite dans l’Éducation : tour d’horizon
Les programmes de candidature de l’extrême droite aux dernières présidentielles comme aux législatives 2024, comme les votes des élu.es d’extrême droite ou l’expérience des gouvernements d’extrême droite, informent sur le danger mortel que représenterait l’extrême droite pour l’éducation.
Le projet d’École du RN est un danger pour l’école publique, la liberté pédagogique, la liberté d’expression des personnels et la liberté de nos élèves.
Tour d’horizon.
Des programmes de propagande pour une idéologie réactionnaire, identitaire, raciste et repliée sur elle-même
Refonte des programmes et des horaires : patriotisme identitaire et nationaliste
- L’enseignement que veut imposer le RN est organisé autour d’un objectif politique passéiste et rétrograde : concourir "par tous moyens, chez ceux à qui il est destiné, à faire naître, développer et affermir les sentiments patriotiques et la conscience de l’unité nationale" (proposition de Loi de M. Le Pen, février 2021).
- Des programmes et des horaires réduisant la diversité des domaines d’étude et réorientés vers l’exaltation nationaliste : "réserver la moitié du temps d’enseignement au français" en primaire (programme de M.Le Pen, 2017). "Roman national" à visées identitaires au lieu d’un enseignement scientifique de l’Histoire (Programme du RN). En effet, pour le RN l’École doit "assurer la transmission de l’histoire de France et de son patrimoine".
L’Histoire de France... Mais laquelle ?
- L’extrême droite a une lecture révisionniste de l’histoire : "Pétain a sauvé des juifs français" pendant la guerre. E Zemmour (CNews 2019). Comme l’a rappelé un collectif d’historiens et d’historiennes, elle promeut "une histoire déformée, biaisée, marquée par une obsession identitaire et par l’exaltation de la violence, souvent au prix d’erreurs, de contresens ou de purs mensonges". Ce n’est pas propre à Zemmour. Les programmes scolaires sous l’extrême droite transmettraient donc probablement une "histoire de France" fantasmée, fictive, réactionnaire, sexiste et masculine, et raciste. En Hongrie, par exemple, le gouvernement réhabilite les militaires qui soutenaient les Nazis.
- Au service d’un fantasme identitaire national, les manuels scolaires devraient être autorisés par le ministre de l’Éducation Nationale, dans la continuité du "Choc des savoirs".
Racisme
- Le RN veut supprimer certains enseignements tels que les langues et cultures d’origine, au motif qu’ils sont "assurés par des étrangers". Sur la base de ce principe, l’ensemble des langues étrangères pourrait bien être menacé aussi, certaines langues vivantes sans doute encore plus que d’autres - l’arabe notamment, bien qu’il soit déjà sous-enseigné, alors qu’il s’agit de l’une des langues les plus parlées au monde, et que de nombreux français et françaises sont arabophones. Le projet de suppression pur et simple de l’enseignement de cette langue traduit la suspicion systématique qui serait mise en place par l’extrême droite contre les élèves d’origine étrangère ou issu.es de l’immigration, ou descendant.es de personnes issues des anciennes colonies françaises.
- Le RN souhaite la "conception et mise en œuvre de programmes de renforcement en Français et en histoire dans les Réseaux d’éducation prioritaire (REP)". On est à deux doigts de l’idée raciste et coloniale de "rééduquer les sauvages".
Qu’en serait-il des SVT ou de toutes les disciplines comportant des volets qui contredisent les fantasmes réactionnaires et les croyances d’un autre âge de l’extrême droite, dont les liens avec les milieux catholiques intégristes ne sont plus à prouver ?
- Un indice : le RN veut mettre fin aux interventions d’associations "politisées"… incluant manifestement celles qui font de la prévention. "Politisé" étant tout ce qui ne correspond pas à son fantasme identitaire et réactionnaire. Par exemple : le Planning familial, association actuellement agréée par l’Éducation nationale et intervenant dans les écoles et les établissements notamment pour prévenir les violences, les discriminations, les comportements sexistes, ou informer sur la contraception ou les MST et les moyens de les prévenir, a déjà été menacé de ce type de sanctions financières par plusieurs personnalités d’extrême droite.
- En Argentine, le président d’extrême droite Milei supprime les cours d’éducation sexuelle, qui étaient obligatoires jusqu’à son élection. Plus pervers : en Italie, le ministre italien de l’Éducation, sous la pression de l’opinion publique, a présenté le plan "Éduquer aux relations", pour introduire une éducation sexuelle et affective dans les lycées. Mais ce plan, non obligatoire, prévoit le consensus des étudiant.es et de leurs parents. C’est-à-dire que des "parents vigilants" italiens, cousins tout aussi réactionnaires des parents "Zemmouriens", pourront refuser que leurs enfants assistent à ces cours.
- Selon Alain Escada, président du mouvement Civitas (dissous en 2023 [1]), il faut offrir une "alternative à l’école de la République" qui est "aux ordres d’une vision laïciste et internationaliste" et veut "séparer l’enfant de Dieu comme de ses parents", Assises de la Fédération autonome des parents engagés et courageux (Fapec), 16 juin 2014. Dans le fil de cette déclaration, l’extrême droite fait la promotion du privé confessionnel, au détriment du service public : "l’école privée a connu de grandes réussites […] elle a constitué une alternative efficace au système public gangrené" (Programme Zemmour).
- En Italie, les politiques liées à l’Éducation du gouvernement Meloni visent à mettre l’école au service de deux vieux alliés de l’extrême droite : l’Église catholique et le patronat. Le parti Fratelli d’Italia souhaite par exemple réimposer les traditions religieuses dans les écoles du pays. L’objectif serait de "défendre les traditions chrétiennes" en remettant au goût du jour les crèches, les festivités de Noël et de Pâques dans les établissements scolaires publics, piétinant ainsi toute idée de laïcité.
>> DANGER : l’extrême droite au pouvoir, c’est la fin de l’ouverture sur le monde et sur les autres par l’Ecole ; la fin de l’obtention d’une culture commune de haut niveau, propre à résister aux fake news, logiques complotistes et dérives sectaires de tout poil. C’est aussi une politique scolaire raciste et discriminatoire, issue de la théorie fumeuse et xénophobe du "grand remplacement [2]", et la menace d’une École au service d’une idéologie réactionnaire qui ne permet pas aux élèves d’acquérir les connaissances nécessaires à leur santé et à leur sécurité. C’est enfin potentiellement la remise en cause de la laïcité au profit de croyances identitaires ou religieuses.
Dynamitage de la liberté pédagogique et chasse aux sorcières des "cas problématiques" parmi les personnels
- Mise sous surveillance des personnels et des pratiques pédagogiques : l’extrême-droite veut un "plan de contrôle des enseignements", qu’elle suspecte d’être "utilisés à des fins idéologiques" (Plan Le Pen pour les banlieues) "Nous chasserons des classes de nos enfants le pédagogisme, l’islamo gauchisme, et l’idéologie LGBT" (Discours de Zemmour, Villepinte, 5 décembre). Le RN veut "chasser" (encore) ce qu’il appelle "l’idéologie pédagogiste", et "reprendre en main", en les figeant, les méthodes pédagogiques ; à rebours des pédagogies coopératives, féministes et critiques, émancipatrices et progressistes.
- L’extrême droite au pouvoir, c’est les menaces sur la liberté d’expression des personnels, qui ne sont pas soumis à un devoir de réserve mais de neutralité. Or, la neutralité, le RN semble la comprendre de façon élastique. Ainsi, le RN souhaite renforcer la "neutralité idéologique" des enseignant.es ; or, le mot "idéologie" pour l’extrême droite est un fourre-tout dans lequel sont rangés non seulement les pédagogies alternatives (voir ci-dessus) mais le féminisme, l’écologie... et tout ce qui ne cadre pas avec son interprétation politique de l’histoire ou de la science.
- "Baissez d’un ton et mettez-vous au niveau" R. Chudeau, député RN, à tous les représentant.es des syndicats de l’Éducation nationale lors d’une audition à l’assemblée nationale, en septembre 2023. L’extrême droite au pouvoir, c’est les menaces sur le droit syndical et la démocratie sociale, sur la liberté d’expression et sur le droit de grève, qui durcissent la menace relative à la "neutralité idéologique" entendue élastiquement par l’extrême droite.
Qu’arriverait-il aux personnels récalcitrants qui s’entêteraient à appliquer des pédagogies émancipatrices et coopératives, à mener des projets contre le racisme, l’antisémitisme, les LGBTIphobies, le sexisme et toutes les discriminations, ou qui s’obstineraient simplement à transmettre des connaissances dans la rigueur de la science critique ? Qu’arriverait-il aux personnels qui accompagnent et défendent leurs collègues, ou qui luttent pour une École plus juste et émancipatrice ?
- Selon le programme du RN (2022), les corps d’inspection auraient un pouvoir de contrôle accru et les "encadrants" une "obligation de signalement des cas problématiques sous peine de sanction". Jusqu’où est entendu le caractère "problématique" des "cas" ainsi sanctionnés ? Jusqu’où iraient ces "sanctions" ? Mystère.
- Un indice du traitement des personnels récalcitrants par l’extrême droite : celui qu’elle réserve déjà à celles et ceux qu’elle considère "problématique", via les collectifs de parents qui en organisent le harcèlement. En novembre 2023, l’association Parents Vigilants, créée par le parti Reconquête, invitée au Sénat par Stéphane Ravier, sénateur de ce parti, a fait état de pratiques violentes : campagne de harcèlement en ligne, allant parfois jusqu’à la publication du nom et de l’adresse d’enseignant•es visées, rassemblement devant l’école ou l’établissement....
>> DANGER : l’adaptation et l’innovation pédagogique, qui font partie du métier des enseignant.es, sont menacées. Les libertés d’opinion et d’expression pourraient aussi être de fait supprimées. Le risque de la mise en place d’une chasse aux sorcières violente est important.
Une école de l’exclusion et du tri social, poussé à son paroxysme
- Rejet de l’école inclusive : l’école selon Zemmour "ne doit plus chercher à toute force à être la plus inclusive possible, mais au contraire rétablir le culte du mérite et de l’effort." (Discours de Villepinte, 5 décembre 2021)
- Le RN prône lui aussi la "méritocratie", concept éculé qui renforce les logiques de censure et d’autocensure sociales et liées au genre. Le parti veut "renforcer l’orientation précoce des élèves" - au détriment de toutes les minorités sociales puisqu’on sait depuis au moins 40 ans que plus l’orientation est précoce, plus les différenciations sociales et entre sexes sont marquées et irréversibles.
- Le programme du RN ne contient aucune mesure permettant d’augmenter la mixité sociale au sein des écoles. Il prévoit de plus de détruire les dispositifs existants : son programme annonce une baisse des moyens dans les écoles moins favorisées, supprimant les moyens supplémentaires affectés aux collèges de REP. Très floue, l’idée de refuser toute discrimination positive dans l’enseignement aurait des conséquences dévastatrices sur les élèves qui ont besoin de plus de soutien.
- L’extrême droite veut la destruction du collège unique, qualifié de "machine à échec". Or ce n’est pas la philosophie du collège unique qui doit être remise en question. Il faut lui donner les moyens pour que les élèves y étudient dans de bonnes conditions et que les personnels puissent y travailler sereinement et efficacement ! Dans le programme du RN, examen en fin de CM2 et création d’une "6ème d’adaptation", groupes de niveaux comme dans le Choc des savoirs, orientation précoce dès 14 ans vers l’apprentissage, orientation des élèves de 3ème (en voie générale et technologique, voie pro, en apprentissage) en fonction des résultats de l’année - ce qui durcirait la concurrence entre établissement - et du DNB qui deviendrait un examen d’orientation.
- Le RN affirme vouloir supprimer Parcoursup, mais propose de le remplacer par une affectation faite sur un certain nombre de critères dont les notes obtenues au lycée et au bac. Autrement dit, par quelque chose de similaire ou de pire que Parcoursup.
>> DANGER : une orientation précoce renforcée et subie ne permet pas aux élèves leur libre choix. Cela va à l’encontre de notre projet d’une éducation de 3 à 18 ans, de lutte contre le déterminisme social, et pour une École ouverte à toutes et tous. L’extrême droite, opposée à toute émancipation par l’éducation, championne de l’oppression et de l’exploitation de groupes sociaux au bénéfice d’autres groupes sociaux, veut renforcer les logiques de reproduction sociale par l’école qui sont largement documentées par les Sciences sociales [3]
Racisme (encore) et persécution des minorités de genre et des personnels et élèves étranger.es
- Le RN (et avant lui le FN) est historiquement, de part ses discours, ses votes et son idéologie un parti d’extrême droite qualifié comme tel par le Conseil d’état et ouvertement xénophobe, raciste, antisémite, islamophobe, homophobe, transphobe et sexiste.
Racisme
- Dans la droite lignée de leur héritage fasciste, les élu•es RN ont voté pour la préférence nationale - qui est pour l’instant anticonstitutionnelle (source) - ou contre la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité au parlement européen (source). Selon le principe de la "priorité nationale", l’extrême droite prévoit de réserver les allocations familiales aux familles dont au moins un des parents seraient français. Les mères seules de nationalité étrangère n’auraient plus de droits.
- Le RN souhaite faire adopter "une loi contre l’islamisme qui aura un volet scolaire" avec interdiction du port du voile islamique pour les accompagnantes de sorties scolaires et "un signalement automatique au procureur de la République et une répression automatique des menées islamistes". Les pires dérives sont à craindre.
- L’extrême droite au pouvoir, c’est le renforcement des mesures de discriminations systématiques des familles étranger•es, et des expulsions de familles sans-papiers. C’est l’assurance de voir disparaître encore plus brutalement qu’aujourd’hui des élèves, expulsé.es.
- En Italie, le "decreto immigrazione" (décret Curato) réduit "l’accueil dans les dispositifs SAI (Système d’accueil et d’intégration) aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié•e et non plus aussi aux demandeur•ses d’asile. Avec le SAI, les étranger•es bénéficiaient d’accès aux services sociaux, sanitaires et éducatifs comme des cours d’italien pour adultes ou d’intégration scolaire pour les mineur•es.
LGBTQIAphobies
- Dans un de ses meetings de la campagne présidentielle 2022, Marine le Pen avait diffusé une vidéo du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, qui proclamait de la sorte leur objectif commun : "Nous voulons protéger les familles et nous ne voulons pas laisser entrer les militants LGBTQ dans les écoles." Tout un programme.
- En Italie, le gouvernement Meloni s’en prend aux familles homoparentales et à la communauté LGBTQIA+ via des procès civils qui remettent en cause les actes de naissance d’enfants sur lesquels figurent deux mères ou deux pères. Le but recherché est de resacraliser l’image de la famille nombreuse, hétérosexuelle dans toute la péninsule.
- Historiquement, en France comme ailleurs, l’extrême droite s’est toujours opposée aux droits des personnes LGBT. Les élu•es d’extrême droite ont voté contre la dépénalisation de l’homosexualité, contre le PACS, contre le mariage pour tous•tes. Plus récemment, le RN a voté contre l’interdiction des thérapies de conversion (source) et pour le durcissement de l’accès au soin des personnes LGBT (source).
>> DANGER : la persécution des personnes en situation de handicap, étrangères, d’origine immigrée, non socialement considérées comme blanches ou LGBTQIA+ en contexte scolaire, qu’il s’agisse de personnels ou d’élèves, s’inscrirait logiquement dans la continuité des discours et de l’action homophobe, transphobe, LGBTQIAphobe des élu.es d’extrême droite européens.
Précarisation, violences sociales, physiques et conditions d’étude carcérales... au sens propre ?
Pour les élèves :
- Le RN propose la généralisation de la vidéosurveillance dans le second degré en "priorisant" les établissements en REP. Cette mesure semble calquée sur le modèle italien, où caméras de vidéo et dispositifs électroniques de vérification d’identité se multiplient dans l’enceinte scolaire.
- Depuis l’arrivée de Meloni au pouvoir en Italie, il ne passe pas une semaine sans que les élèves soient sollicité•es pour participer à des parades militaires, levers de drapeau, hommages rendus aux héros de guerre. Les visites d’installations militaires sont légions, tout comme les stages auprès des forces armées ou des usines d’armement, les interventions de généraux et d’amiraux pour participer à des ateliers de lutte contre les "comportements déviants". Les incursions des forces de l’ordre dans les enceintes scolaires deviennent monnaie courante, le ministre Giuseppe Valditara proposant même de dédier des forces de l’ordre à la protection exclusive de certains établissements (journal « il Messagero » du 6 février 2024).
- En guise de politique socio-éducative, le RN promeut le tout répressif : mise en place de sanctions-planchers obligatoires pour les conseils de discipline et mise en œuvre de l’article 403-5 du code pénal relatif aux outrages à une personne chargée d’une mission de service public (6 mois d’emprisonnement et 7500 € d’amende). Les élèves qualifié.es de "problématiques" seraient envoyé.es dans ce qu’il faut bien appeler des maisons de correction, pendant 1 an minimum, et sans fin précise puisque pour en sortir ils et elles devraient "faire leur preuves" sur des critères indéfinis.
- Alors que la quasi totalité des personnels de l’Éducation nationale ne sont déjà pas formés à la détection et la prévention des violences sur mineur.es, le RN prévoit de "réduire" les "dépenses administratives du ministère" : soit des millions de coupes parmi les personnels administratifs et sociaux – ces derniers (assistant.es de service social scolaire) étant les seuls personnels initialement formés aux violences sur mineur•es. Aucune chance que ces violences diminuent dans ces conditions.
- En Italie, les nervis d’extrême droite ne se cachent plus pour faire le coup de poing en prenant pour cible les mineur.es. À Florence, des lycéen•nes mobilisé•es devant leurs lycées ont été passé•es à tabac par des membres d’"Azione Studentesca" (Action étudiante) – organisation de jeunesse affiliée au parti de la première ministre Meloni.
Pour les parent·es :
- Suspension des allocations familiales et des bourses scolaires des "élèves problématiques", en cas d’absentéisme avéré et de perturbations graves et répétées au sein des établissements scolaires (ces dernières restant à définir...). Il s’agit là d’un "retour aux principes de la loi Ciotti" de 2010. Or le retrait des allocations familiales, expérimenté en 2011 et 2012, s’est avéré contreproductif et tend à fragiliser des personnes déjà vulnérables. Il s’agit d’une mesure idéologique qui ne permet en aucune manière aux familles en difficulté de réussir à faire retourner leurs enfants à l’École et les plonge encore plus dans la misère.
Pour les personnels :
- Le 7 août 2023, le ministère de l’instruction et du mérite italien a signé un protocole avec l’État-major de la marine militaire afin que les enseignant•es bénéficient de l’expertise des militaires – ce qui donne une idée des attentes de l’extrême droite en termes de pédagogie. Le protocole précise que "la Marine s’engage à promouvoir la formation du personnel enseignant et administratif [...] notamment grâce à l’apport d’experts externes pour l’acquisition de compétences spéciales".
>> DANGER : toutes ces mesures sont propres à détruire complètement toute sérénité et tout bien-être à l’école pour les élèves ; elles les soumettent à une violence quotidienne et renforcent la précarité des familles, la mise à l’écart des certain•es élèves et militarisent les missions des personnels. Enfin, un rapport officiel du 27 juin 2024 pointe une augmentation significative des actes racistes et antisémites en 2023, et la responsabilité du RN et des acteurs médiatiques dans ce phénomène (ainsi que l’inconséquence du gouvernement). L’extrême droite, c’est donc aussi le risque de voir se déchaîner d’autant plus, ici comme ailleurs, la violence des nervis d’extrême droite contre la jeunesse (entre autres).
Salaires, conditions de travail, attractivité du métier d’enseignant.e (les autres professions de l’Éducation nationale restant invisibles dans les programmes d’extrême droite)... La même chose, en bien pire
Augmentations salariales : finalement non.
- Le RN avait défendu une augmentation de 3% par an des salaires des professeur.es pendant 5 ans lors de la campagne électorale de 2022, mais il vient de revenir sur cet engagement à l’occasion de la campagne pour les élections législatives de 2024 et réserve les augmentations aux débuts de carrière.
Formation : sur le tas
- La formation actuelle des professeur.es (déjà bien insuffisante) est regardée avec méfiance comme "idéologique". Le RN annonce donc vouloir supprimer toute école de formation pour les enseignant•es titulaires du concours, qui seraient "directement formés par des pairs expérimentés […] au sein des établissements". Autrement dit, sur le tas. Rien de tel pour reproduire les stéréotypes de genre et les logiques discriminatoires en général.
- En Italie, une réforme de l’enseignement secondaire est en cours. La Lega souhaite le recrutement des enseignant•es dans les entreprises et promouvoir les jobs d’été pour les étudiant•es afin qu’ils/elles intègrent le monde du travail le plus tôt possible. "Nous devons ouvrir l’école au monde de l’entreprise ; leur connexion est fondamentale. Le système italien d’éducation et de formation doit s’habituer à être plus flexible pour intercepter les tendances du marché de l’emploi venant de différentes directions", a ajouté M. Borchia (eurodéputé de la Lega).
Obligation de remplacer les collègues absent.es
- Le Pacte a montré toutes ses défaillances et suscité une levée de boucliers des syndicats de l’éducation ? Peu importe, l’extrême droite veut rendre obligatoire l’une de ses principales dispositions. Contre rémunération ? On ne sait pas.
Mais comment s’étonner, puisque pour l’extrême droite l’éducation des enfants serait un travail naturellement dévolu aux femmes ?
- Le RN annonce vouloir "renforcer la liberté d’enseignement en famille" : un vieux rêve de l’extrême droite consiste à renvoyer les femmes à la maison pour s’occuper de l’éducation de leurs enfants.
- À renfort de grands slogans, le RN dit défendre les droits des femmes alors que ce que doit être une femme, pour le RN, c’est une épouse, et une mère. Au parlement européen, Jordan Bardella a systématiquement voté contre le renforcement ou la création de nouveaux droits pour les femmes. À l’assemblée nationale, le RN a voté contre l’égalité femmes hommes dans la fonction publique (source).
- Sur la constitutionnalisation de l’IVG, la moitié des député.es RN ont voté contre ou se sont abstenus (source). Pas étonnant : le RN prend en exemple la Pologne et la Hongrie, qui ont limité drastiquement le droit à l’avortement [4], pour prôner une politique nataliste. Une proposition de résolution sur la relance de la natalité française, portée par 58 député.es du RN, déclare par exemple que "la Hongrie a mis en place une politique de natalité ambitieuse […] tout comme la Pologne".
>> DANGER : l’expérience montre que quelque chose ne tarde pas d’aller bientôt à contresens de la citoyenneté de toutes et tous, quand le pouvoir patriarcal impose son idée du rôle des femmes dans la société, mettant en danger les vies des femmes, réprimant l’avortement et l’excluant de l’exercice l’égal de la médecine, empêchant ou freinant un cadre législatif pour l’avortement sûr et sans risque, ou à l’inverse, quand il instrumentalise et mène des politiques natalistes restrictives, ou des campagnes de stérilisations forcées sur des pans de populations sélectionnées, et qu’il interdit de choisir ses/sa maternité/s, son humanité. Les femmes ne sont ni minoritaires, ni mineures, même quand elles sont issues de populations minoritaires dont les droits ne sont pas respectés.
Conclusion
Cela fait plusieurs années que l’extrême droite, dont le RN est le fer de lance, fait de l’entrisme dans l’Éducation nationale via des associations de parents d’élèves ou des syndicats. L’École est un des axes de son projet idéologique. Les propositions de l’extrême droite sont dangereuses et vont à l’encontre du projet porté par la CGT et la CGT Éduc’action.
Nos revendications sont à l’opposé de celles du RN et de l’École que les gouvernements successifs mettent en place depuis plus d’une décennie, pavant la route à l’extrême droite.
Tout est à craindre dans le projet d’École du RN. Ce projet élitiste et réactionnaire doit être combattu et battu, tout comme ses prémisses mis en branle par le président Macron. Défendons le progrès social et l’École publique et imposons des réformes qui en feront une École émancipatrice et non un instrument de tri social et culturel !
RESSOURCES
L’extrême droite française et l’école : analyses générales
Analyses féministes
A l’international
[1] Le décret du 4 octobre 2023 précise que l’association CIVITAS a été dissoute au motif, notamment, qu’elle appelait à entrer en « guerre » contre la République afin de rétablir une monarchie, et incitait à recourir à la force pour y parvenir ; que pour cette association, les Droits de l’Homme n’étaient pas autre chose que « des outils de destruction de la civilisation chrétienne ». Elle organisait des rassemblements en hommage ou en soutien à des personnalités emblématiques de la collaboration ou les présentait comme des références idéologiques, telles que Charles MAURRAS, régulièrement cité, ou Robert BRASILLACH, présenté comme un héros, le présentant comme victime d’« un délit d’opinion » et « un poète immolé », « victime de l’épuration Gaullo-communiste ». Elle promouvait une idéologie consistant à hiérarchiser les êtres humains, l’infériorité des communautés juive et musulmane présentées comme des menaces pour la société, et ce faisant, tenait un discours ouvertement antisémite, gravement hostile aux musulmans et d’une manière générale xénophobe. Elle tenait aussi régulièrement un discours ouvertement homophobe, comparant l’homosexualité à une maladie ou une perversion de la société.
[2] cri de ralliement pour les identitaires du monde entier, cette théorie a prouvé sa dangerosité. Par exemple, elle est le mobile de la tuerie de Christchurch visant des musulman.es en 2019 (51 morts)
[3] Voir par exemple : Louis Maurin, "École et reproduction des inégalités sociales", Constructif, 2024/2 (n°68), p. 30-34 et René Llored, "Education, culture et domination dans la sociologie de Pierre Bourdieu", Ressources en Sciences économiques et sociales, SES-ENS, le site expert ENS/DGESCO de sciences économiques et sociales, publié le 29/06/2022
[4] La Hongrie impose aux femmes souhaitant avoir recours à l’IVG d’entendre au préalable le cœur du fœtus. La Pologne a restreint l’avortement aux cas de viol, d’inceste ou de danger pour la vie de la femme enceinte.