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 Rupture conventionnelle : bilan d’étape par la Cour des comptes

 

Vous trouverez ci-dessous des éléments du rapport de la Cour de comptes sur la rupture conventionnelle (novembre 2023). Ce rapport permet d’avoir connaissance de quelques données lorsqu’on se lance dans la démarche.

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La rupture amiable entre l’agent public et son administration : une appropriation rapide

Créée dans le secteur public à titre expérimental, la procédure dite de « rupture conventionnelle » constitue une nouvelle possibilité de cessation définitive de fonctions pour les agents publics, fonctionnaires ou non-titulaires. Un nombre croissant d’entre eux a demandé à en bénéficier.
L’analyse des conditions de sa mise en œuvre, appelée par la loi elle même à être évaluée, montre que sa pleine appropriation par les employeurs publics demeure un enjeu.

A - La rupture conventionnelle, un instrument essentiellement à l’initiative des agents pour des montants très variables

L’article 72 de la LTFP, désormais codifié aux articles L. 550-1, L. 552-1 et L. 557-1 et suivants du code général de la fonction publique (CGFP) [1], a introduit un nouveau dispositif permettant à un agent public permanent (fonctionnaire titulaire ou agent contractuel en CDI), avec l’accord de son employeur, de quitter la fonction publique de manière définitive, moyennant le versement d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) [2]. Ce dispositif conventionnel nécessite l’accord des deux parties. Il ne constitue donc en aucun cas un droit pour l’agent qui en sollicite le bénéfice auprès de son administration, ni un moyen pour l’administration d’imposer un départ à un agent. Susceptible d’être à l’initiative de l’administration, la démarche n’est pas subordonnée à la présentation d’un projet professionnel de reconversion, et l’agent peut bénéficier, après la rupture conventionnelle, de l’assurance chômage [3]. Pour les fonctionnaires, ce dispositif est expérimental pendant cinq ans (du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025). La radiation des cadres obtenue de façon contractuelle, donc bilatérale, est, pour les fonctionnaires, une façon hétérodoxe de rompre un lien statutaire et réglementaire qui par essence, est unilatéral.

Sur le périmètre de la fonction publique de l’État, les données de paie de la DGFiPI [4] montrent que, sur la période 2020-2022, 5 279 agents ont bénéficié d’une ISRC (4 641 pour les ministères et 638 pour les opérateurs de l’État). Le dispositif, ouvert à compter du 1er janvier 2020, est progressivement monté en charge : le nombre d’agents ayant annuellement fait l’objet d’une rupture conventionnelle est passé de 513 en 2020 à 2 403 en 2021 puis 2 363 en 2022. Les personnes concernées sont à 69,7 % des femmes, 78,7 % des titulaires et 56,3 % des agents de catégorie A. L’âge moyen des intéressés a diminué sur la période (il est passé de 50,4 ans en 2020 à 48,6 ans en 2021 et 47,8 ans en 2022) et, parmi eux, les femmes sont, en moyenne, plus jeunes que les hommes (48 ans contre 49,4 ans). Sur le périmètre des ministères, celui de l’éducation nationale est à l’origine de 72 % des départs, soit 3 332 agents dont 75 % sont des femmes dont l’âge moyen, 46,2 ans, est nettement inférieur à la moyenne.

Au cours de la même période, le montant moyen par agent de l’ISRC s’est établi à de 20 320 € (sur le périmètre de la fonction publique de l’État). Hors année de montée en charge du dispositif, le coût annuel direct [5] de la rupture conventionnelle a atteint 47 M€ (pour environ 2 400 récipiendaires). L’absence, dans les fichiers de la DGFiP, de données relatives à l’ancienneté des agents réduit la pertinence d’étudier et de comparer le montant moyen de l’ISRC versée entre agents de sexe, grade ou statut différents. En effet, les valeurs plancher et plafond de cette indemnité dépendent de l’ancienneté de l’agent. Cependant, la répartition, par décile, du montant moyen de l’indemnité, montre que 60 % des bénéficiaires ont perçu une ISRC inférieure à la moyenne (cf. le graphique n° 2 ci-dessous).

Graphique n° 2 : montant moyen de l’indemnité par décile (périmètre de la fonction publique de l’État)
Source : fichier paie de la DGFiP (2020-2022). Le périmètre couvre 5 279 indemnités de la FPE.

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Tableau n° 5 : estimation du coût annuel direct de la rupture conventionnelle

FPE FPT (*) FPH Total
47M€ env. 80M€  ? > 127 M€

Concernant les fonctionnaires, la connaissance actuellement très limitée des effets de cette expérimentation devrait, dès 2023, inviter la DGAFP, la DGCL et la DGOS à mettre en place des mécanismes de recueil et de centralisation des données afin d’avoir, à l’échelle nationale, une vision précise de l’intérêt, de l’efficacité et du coût du dispositif. Ces informations devraient permettre au Gouvernement, dans le cadre du rapport prévu à l’article 72 de la LTFP, qui doit être présenté au Parlement avant le 31 décembre 2024, d’exposer une vision exhaustive pluriannuelle des effets du dispositif pour les agents, notamment fonctionnaires, des trois versants de la fonction publique et de proposer les éventuelles améliorations à lui apporter dans l’hypothèse où il serait pérennisé.

B - Des employeurs en quête de doctrine et de transparence

Les agents exerçant un métier en tension, tant dans le secteur privé que dans le secteur public (métiers de l’informatique et médico-sociaux, par exemple), peuvent rencontrer des difficultés pour bénéficier d’une rupture conventionnelle. Dans certains cas, cette situation peut être source d’incertitudes qu’il serait possible de lever en définissant préalablement les règles d’instruction des demandes.

La circulaire relative à la mise en œuvre de la rupture conventionnelle dans les services déconcentrés du ministère chargé de l’éducation [6] du 19 novembre 2020 a ainsi fixé trois critères à prendre en compte dans le cadre des demandes de rupture conventionnelle à l’initiative des agents : la rareté de la ressource, l’ancienneté dans la fonction et la sécurisation du parcours professionnel. Ce texte rappelle également que le montant de l’ISRC peut être déterminé au regard de la doctrine d’emploi adoptée par les services, en tenant compte des motifs de la demande, du projet de l’agent ou de la date de départ envisagée. Une telle pratique demeure néanmoins relativement peu répandue au sein des administrations.

Pour s’assurer de la mise en œuvre effective de la rupture conventionnelle, la DGAFP a accompagné les ministères dans le déploiement de ce nouveau dispositif, notamment par la diffusion [7] d’un modèle de convention de rupture, la création d’une boîte fonctionnelle spécifique, l’organisation d’ateliers au printemps 2020 pour assurer un partage des bonnes pratiques, identifier des doctrines d’emploi et aider les employeurs dans leur décision à l’égard des demandes de rupture conventionnelle qui émanent des agents. La DGFAP indique toutefois que « à ce stade, ces réflexions n’ont pas abouti à la rédaction d’une doctrine de gestion interministérielle fixant notamment des montants minimum/maximum ».

Au sein de la fonction publique de l’État, le dispositif a commencé à monter en charge à compter du dernier trimestre 2020. Une forte saisonnalité caractérise le versement des ISRC : le ministère de l’éducation nationale, qui comptabilise le plus grand nombre de conventions conclues78 ruptures conventionnelles en 2020 ; 1 674 en 2021 ; 2 103 en 2022 (toutes catégories confondues)., a, en effet, tendance à davantage procéder aux versements des indemnités au moment des rentrées scolaires.

Graphique n° 3 : cadencement du versement (nombre et montant) des ISRC (fonction publique de l’État)
Source : DGFiP (fichier « Ka »), traitement Cour des comptes

Il est tout à fait compréhensible qu’un temps d’adaptation ait été nécessaire aux employeurs publics pour ajuster leurs processus RH à ce nouveau dispositif et il est tout à fait concevable que certains d’entre eux ne souhaitent pas promouvoir la rupture conventionnelle au regard de leurs préoccupations budgétaires ou faire état ainsi d’une moindre attractivité RH. Il n’en demeure pas moins qu’il leur appartient de déterminer une doctrine d’emploi de la procédure de rupture conventionnelle qui leur soit propre, en lien avec l’ensemble des autres dimensions de leur politique des ressources humaines. [...]

Le rapport complet est disponible en ligne : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-11/20231109-loi-transformation-fonction-publique.pdf


[1L’article L. 550-1 du CGFP concerne la cessation définitive de fonctions des fonctionnaires, alors que l’article L. 552-1 concerne les agents contractuels recrutés par CDI. Les articles L. 557-1 et suivants traitent du régime d’assurance chômage dont peuvent bénéficier les agents publics en cas de cessation d’un commun accord de leur relation de travail avec leur employeur, notamment.

[2Cette indemnité devra être remboursée si l’agent, dans les six années suivant la rupture, est recruté en tant qu’agent public pour le même employeur ou, pour un agent de la fonction publique territoriale, « auprès de tout établissement public relevant [du même employeur] ou auquel appartient la collectivité territoriale ».

[3Les dispositions législatives ont été précisées par celle du décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique.

[4Il s’agit des fichiers de paie regroupant les agents publics de la FPE rémunérés en paye sans ordonnancement préalable (PSOP), en « paye à façon » et ceux en poste à l’étranger (1,88 millions d’agents physiques comptabilisés au 31 décembre 2022).

[5Le coût « indirect » pour l’employeur peut, lorsque ce dernier n’est pas affilié au régime d’assurance chômage géré par l’Unedic, intégrer le montant de l’aide au retour à l’emploi (ARE) versée en cas de chômage et, le cas échéant, le coût lié à l’embauche d’un nouvel agent.

[6Selon le Panorama statistique des personnels de l’enseignement scolaire 2021-2022, 827 enseignants ont obtenu en 2020-2021 une rupture conventionnelle. Cela représente un tiers des 2 411 départs volontaires, le solde de deux-tiers correspondant à 1 584 démissions. Toutefois, la proportion des ruptures conventionnelles reste peu significative au regard des effectifs enseignants : pour 10 000 enseignants, 12 ont signé une rupture conventionnelle (soit 0,12 %).

[7Arrêté du 6 février 2020.